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Le Platier d'Oye
Dernière
modification le 08/04/2013
à 19:22

Oye-PlageOye-PlagePourquoi la commune de Oye-Plage se nomme-t-elle Oye-Plage ?

Nous vous proposons les explications très argumentées d'Alain Ferey qui a eu l'amabilité de nous faire parvenir le texte ci-dessous.

Etymologie du nom OYE

« Oye » est d’origine germanique. Ce n’est que pure coïncidence s’il ressemble au mot français désignant ces beaux et courageux oiseaux Oies cendrées.que nous aimons tant voir survoler notre région lors des migrations d’automne et de fin d’hiver, les oies !
A l’origine se trouve le vieux mot saxon « aujo » (prononcer : a-ou-yo) qui désigne « quelque chose sur l’eau » ou « dans l’eau » ; le rapport à l’eau ou à l’humide est incontournable et fondamental. N’oublions pas que le platier d’Oye se situe sur l’ancien delta de l’Aa et qu’au Moyen Age les bateaux pouvaient remonter la mer jusque Saint Omer comme à Bruges qui était un port sur la... mer, même si c’est difficile de l’imaginer actuellement car les paysages ont beaucoup changé… Oye était donc une île, un lieu insubmersible même aux grandes marées.

En vieux saxon, « aujo » désigne en fait 2 réalités : une île ou une prairie humide :

- au sens d’ île : il est devenu « Oie » (prononcer : o-yeu) dans l’Allemagne du Nord-Est (le Mecklenburg) , le long du littoral baltique (au nord de Berlin). Devant les villes de Stralsund et Greifswald s’étend le magnifique Parc (national !) « Paysages des lagunes », le « Nationalpark Boddenlandschaft », où les grues cendrées font chaque année par dizaines de milliers leur 1ère halte migratoire (de fin Août à début Novembre), après avoir quitté les pays où elles se reproduisent (Suède, Estonie, Lituanie, Lettonie et Russie occidentale) et avant de poursuivre leur migration d’automne vers… notre pays (via la Champagne, la Brenne, les Landes) et enfin vers l’Espagne... Pour la grue cendrée, une région humide ou marécageuse est indispensable, l’eau protège de toutes sortes de prédateurs ou dangers son nid à la belle saison et son repos nocturne en période migratoire. Plusieurs nichent encore dans le Nord-Est de l’Allemagne. C’est justement cette protection que ces oiseaux apprécient par milliers sur nos lacs de… Champagne ! Et ce « Paysage des lagunes » au Nord-Est de l’Allemagne peut nous aider à nous représenter notre Côte d’Opale au Moyen Age : bancs sableux déposés par les courants marins d’Ouest en Est, dunes poussées par les vents d’Ouest, mer peu profonde dégageant à marée basse un vaste estran ; avec la différence que nous ne retrouvons pas nos marais arrière-littoraux (chers aux ornithologues…) mais une très longue lagune pas encore fermée qui se vide à marée basse dans la mer Baltique pour montrer une immense vasière et quelques… îles (les « Oien » justement !) souvent transformées en réserves naturelles. J’en citerai deux : la Barther Oie ( devant la ville de Barth ) et la Greifswalder Oie ( au large de la très belle et vieille ville de Greifswald). Quelle coïncidence : « Oie » parfaitement orthographiée comme en français, mais par le plus grand des hasards… !

- Dans cette zone Mer du Nord / Mer Baltique, « île » se dit :
* « ei » ou « ogg »ou « ooge » en Frise hollandaise (= Nord des Pays Bas) ou allemande. C’est ce très long chapelet d’îles qui s’étirent parallèlement au trait de côte dans la Waddenzee ou Wattenmeer.
* «ej » en danois
* « ei » ou « oy » en norvégien
* « holm » en suédois
Nous savons que  Oye –plage était mentionnée au 8è siècle sous la forme …« Ogia »
Remarquons que l’ancien nom de notre île d’Yeu en Vendée était « Augia » ou « Insula Oya ».
« Augia » et « Ogia » sont les formes latinisées du saxon « aujo »
On retrouve le même appellatif danois-norvégien –ey dans nos îles anglo-normandes Jers-ey, Guernes-ey ou encore Chaus-ey, peut-être à cause du passage des Vikings ( autre peuple …germanique ! ) .
Toujours une histoire d’… îles !

- au sens de prairie humide : « Au » signifie en allemand actuel prairie humide / pré souvent inondé (à cause des pluies d’automne-hiver ou à cause de sa situation le long d’un fleuve, pour en accueillir le débordement). Ces « Auen » sont le biotope menacé, mais indispensable à de nombreux oiseaux comme les Combattants variés, Vanneaux, Courlis, Cigognes blanches, Oies et autres limicoles et sont protégés par les naturalistes et biologistes… Le mot entre dans la composition de centaines de noms de villes en Allemagne ou chez nous en Alsace ( Andlau, Rhinau….)
- Et, que ce soit au sens d’île ou de prairie humide, les 2 possibilités se vérifient à Oye-plage !

 

On va me dire : Bien ! Mais quel est le rapport entre notre beau littoral de la Côte d’Opale
et… l’Allemagne du Nord ??
C’est que cette région allemande s’appelle toujours la… Saxe (« Niedersachsen », qui s’étend entre Hambourg, Hannovre et la Hollande), qu’elle est habitée par les Saxons, dont les ancêtres justement ont essaimé vers l’Ouest pour peupler au 5ème siècle notre région (surtout en bord de mer) et le pays voisin auquel ils donneront leur nom avec un autre peuple germanique voisin, les Angles (qui habitaient au nord de Hambourg) ; ils fonderont la « terre des Angles » (en français actuel : Angleterre !) et y seront nommés les Anglo-saxons… Plusieurs explications historiques pour comprendre ce grand « déménagement » de milliers de gens vers l’Ouest : la famine ou la surpopulation de cette région en fonction des disponibilités alimentaires ou un changement climatique (déjà !) au 5ème siècle. Et dans ce genre de situations, les humains réagissent comme les oiseaux et les autres animaux : nous migrons vers des contrées meilleures ou plus hospitalières ou moins habitées, (depuis notre sortie du berceau africain !). Nous sommes aussi des migrateurs (et continuons de lorgner vers la Lune, Mars…)
Les Saxons se sont donc sédentarisés chez nous…
Et ils ont apporté leur langue saxonne. Et continué à la parler.
D’où les ressemblances / parentés si nombreuses entre le hollandais, le flamand, l’allemand et les mots anglais d’origine germanique…
D’où la présence de si nombreux mots certainement pas d’origine latine (hemmes, marck,
kerk, brouck, digue, berck, haze, Godeswarvelde, Wissant, Oye…, etc..., etc…). N’oublions pas non plus que notre belle langue française ne s’est historiquement imposée, surtout à l’écrit, que très tardivement dans nos 2 départements Nord et Pas-de-Calais. Au Moyen Age on ne disait pas encore « Mer du Nord », mais « mare germanicum » …


Il existe aussi une autre explication du mot « oye » : le mot moyen-néerlandais « ooi » / »oie » qui signifie brebis. C’est ainsi que Jacques Mahieu-Bourgain explique l’étymologie de l’actuelle Pointe-aux-Oies à la limite de Boulogne et Wimereux. (Il faut absolument lire son livre-dictionnaire passionnant et très documenté : « Noms de lieux de l’ancien comté de Boulogne ») .On retrouve d’ailleurs un mot semblable dans le dialecte de la Westphalie ( la région allemande en dessous de la Basse Saxe, à côté de la Hollande ) où brebis se dit Au /Äue.

Je penche personnellement plutôt vers la 1ère possibilité étymologique… (île / prairie humide).

Autre mot de la même famille linguistique : Aa, qui confirme le rôle déterminant et fondateur de l’eau dans le vocabulaire local. En vieux saxon, eau se disait « aha »/ « awa », et rivière se disait « aa ». Suivez mon regard ! C’est aussi l’origine étymologique de notre petit fleuve local. Qui se jette dans la mer justement à… Oye ! Toujours une histoire d’eau…
Ce vieux mot saxon « aha » est aussi à l’origine de tout ce vocabulaire « aquatique » au Nord-Ouest de l’Europe : eau se dit water en anglais comme tout le monde le sait, et ..Wasser en allemand. Laver se dit to wash en anglais et waschen en allemand. Notre dialecte local à nous gens du Nord possède wassingue (en français serpillière), watergang (fossé)… En anglais, il existe to wade (patauger), waders (limicoles), wet (humide, mouillé) qui a donné aux ornithologues le mot « wetland » (zones humides). Les Hollandais possèdent cette zone immense si précieuse aux limicoles, migrateurs de toutes espèces : la Waddenzee (Mer des Wadden, que les Allemands prolongent jusqu’à la frontière danoise avec la Wattenmeer).
Permettez-moi une parenthèse d’historien : Charlemagne soignait certaines de ses douleurs en prenant souvent des bains ou en nageant : c’est précisément pour cette raison qu’il avait choisi comme capitale de son empire une ville d’eaux, de cures thermales, l’actuelle Aix-la-chapelle. Qui se dit justement en allemand : Aachen et s’écrivait « Ache » en 1211 et « Ahha » en 972 ! Encore une histoire d’eau…


Tout cela confirme la présence incontournable de l’eau dans la vie de nos ancêtres locaux : de l’eau avec laquelle ils ont dû composer, qu’ils ont dû maîtriser et combattre, à laquelle ils ont dû s’adapter : mer, mares, marais, marécages, étangs, vasières, estran, gué, digues, sources, fleuves, rivières… Beaucoup de mots que nous ne comprenons plus le rappellent, mais sous divers « habillages » étymologiques.
Les oiseaux ont eux aussi su en tirer profit, mais sont menacés par la disparition ou destruction de ces biotopes. Et notre monde moderne doit les respecter, nous partageons notre petite planète avec tout le vivant et nous l’oublions souvent…

+Bibliographie et sources ( pour en savoir plus …)
1) l’ouvrage incontournable de Jacques Mahieu-Bourgain : « Noms de lieux de l’ancien comté de Boulogne », paru en 2001 chez VS Plume ( une référence dans ce domaine ! )
2) sur Internet : wikipedia :
a. http://de.wikipedia.org/wiki/Eiland
b. http://de.wiktionary.org/wiki/Eiland
c. http://www.Kfv-fransvlanderen.org/link/Notes%20toponymiques%
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